Voitures, appartements et salaires indus distribués à des députés et des journalistes… l’affaire « Banana Company » dévoile le côté sordide des rapports entre mafia, députés et médias. Le scandale à peine dévoilé, les listes de députés et de journalistes ayant obtenu ces avantages circulent sur la toile, provoquant l’indignation populaire. Souvent aussi l’étonnement, tellement certains noms d’hommes politiques et des médias, impliqués jusqu’au cou, possédaient la confiance des gens.

On comprend, désormais, que les campagnes de diffamation, les mensonges et les insultes qui ravagent le paysage médiatique, ne sont que des mascarades destinées à abrutir les gens pour les éloigner des vrais sujets qui les préoccupent. Pendant ce temps, en arrière plan et en catimini, des réseaux mafieux mettent à sac du pays avec la complicité de douaniers, de hauts fonctionnaires, de politiciens, de députés. C’est tout cela qui a accéléré l’affaiblissement de l’État, encouragé le terrorisme, entraîné la destruction de secteurs entiers de l’économie. Tout cela a été planifié, organisé, financé et exécuté par divers gang mafieux dont la « Banana Company ».

Même à l’international cette mafia a joué un rôle non négligeable, on se souvient des charters de journalistes dépêchés auprès de Abdelhakim Belhaj, un ex d’Al-Qaïda qui, par la force des armes et la complicité de du Qatar et de la Turquie, s’est taillé un fief en Libye, a procédé à des opérations de guerre, mais aussi à des opérations crapuleuses, sinon terroristes en Tunisie même.
Les charters de journalistes financés par la « Banana Company » avaient pour but de donner à cette entité — Fajr Libya — une sorte de reconnaissance internationale, et, nous l’avons tous vu, la plupart des politiques au pouvoir, que ce soit du temps de la Troïka ou du temps de Nidaa, se sont tus, et cela au plus haut niveau.
Aujourd’hui et vu les sommes faramineuses et les avantages accordés aux politiques, on comprend mieux ce silence. On se demande aussi ce qu’il cachait et on pense, bien sûr — au delà de la mise à sac du pays — à l’envoi des jeunes dans l’enfer syrien où ils se sont transformés en terroristes…

Ainsi, la « Banana Company » s’est imposée non seulement en Tunisie, mais aussi à l’international. C’est ainsi que la Tunisie a été trahie au lendemain de la révolution. Une révolution qui n’a abouti, jusque-là, qu’à une sorte de cacophonie dissimulant des opérations mafieuses de mise à sac de l’économie avec la collaboration active de milliers de fonctionnaires, de juges, de policiers, de journalistes, sans oublier le silence et la complicité des politiques.

Pour contrer cette mafia, Youssef Chahed a été obligé de recourir à la justice militaire, mais quelle est sa véritable capacité à lutter contre cette pieuvre mafieuse? La justice militaire a un domaine de compétence limité au « complot contre l’État » et accusations assimilées. Or, l’essentiel de la corruption se situe en deçà de cette frontière, et tout cela est du domaine du juge civil. C’est lui qui doit prendre la relève de l’action entreprise par Youssef Chahed. Mais tout le monde le sait, la justice civile est dans un état morbide. Les juges honnêtes se trouvent eux-mêmes victimes d’un corps de la magistrature fortement impliqué dans toutes les affaires possibles et « L’esprit de corps » est une vieille tradition qui résiste à toutes les pressions. Mais aujourd’hui, il ne s’agit plus de protéger des collègues impliqués dans des affaires, mais de protéger la Tunisie contre des réseaux qui ont provoqué le délitement de l’État et la faillite de l’économie.

C’est en ce sens qu’aujourd’hui, les journalistes intègres, la société civile et les politiciens honnêtes qui s’inquiètent pour le pays doivent s’entendre pour influencer dans le bon sens les juges civils.

Ces juges là doivent comprendre que le peuple de Tunisie ne peut plus admettre la généralisation de la trahison du pays par toute une classe transversale. Ils doivent comprendre que la récréation est finie, qu’il existe désormais, pour la première fois depuis bien longtemps, une volonté affirmée et active d’en finir avec cette humiliation permanente qui frappe notre pays et dont leur corps est le premier responsable. Tous les efforts doivent désormais converger vers ce but, inciter le juge civil à jouer enfin son rôle car il ne faut point se leurrer, la justice est la plus grande catastrophe que subit la Tunisie depuis bien longtemps. Et un pays sans justice est condamné au chaos.

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