L’Héritage de la guerre Iran-Irak : l’essor du savoir-faire iranien en matière de missiles
Pour comprendre le savoir-faire des Iraniens en matière de missiles, il faut remonter à la guerre Iran-Irak dans les années 1980. Ce conflit, qui a opposé l’Iran à l’Irak de 1980 à 1988, a été un tournant décisif pour le développement des capacités balistiques iraniennes. Confronté à des attaques de missiles irakiens dévastatrices et à un isolement international, l’Iran a tiré des leçons stratégiques et technologiques qui ont façonné son programme de missiles, aujourd’hui considéré comme l’un des plus avancés du Moyen-Orient. Cet article explore les expériences acquises par l’Iran durant ce conflit, leur impact sur sa doctrine militaire actuelle, et les récentes attaques de missiles sur Israël au cours des trois derniers jours.
Une guerre qui révèle la puissance des missiles
La guerre Iran-Irak, déclenchée par l’invasion irakienne en septembre 1980, a rapidement évolué en un conflit d’usure marqué par des offensives terrestres, des bombardements aériens et, surtout, l’utilisation intensive de missiles balistiques. L’Irak, soutenu par des puissances occidentales et arabes, disposait de missiles Scud de fabrication soviétique, qu’il a utilisés pour frapper des villes iraniennes comme Téhéran lors de la « guerre des villes » (1985-1988). Ces attaques, souvent imprécises mais psychologiquement dévastatrices, ont causé des pertes civiles importantes et révélé à l’Iran l’efficacité des missiles comme arme stratégique.
L’Iran, initialement mal équipé pour riposter, a ressenti l’urgence de développer ses propres capacités balistiques. Privé d’accès aux technologies occidentales en raison des sanctions imposées après la révolution islamique de 1979, l’Iran s’est tourné vers des fournisseurs comme la Libye et la Corée du Nord pour acquérir des missiles Scud-B. Cependant, cette dépendance a rapidement mis en évidence la nécessité d’une autonomie technologique. Les ingénieurs iraniens ont donc entrepris de rétro-ingénierier ces missiles, posant les bases d’un programme balistique national.
Les leçons tirées du conflit
La guerre Iran-Irak a offert à l’Iran plusieurs enseignements cruciaux qui ont façonné son approche des missiles :
-
Autonomie stratégique : L’isolement international et les embargos ont poussé l’Iran à développer une industrie militaire indigène. Les efforts pour copier et améliorer les missiles Scud ont conduit à la création des premières séries de missiles Shahab, marquant le début d’un programme balistique autonome.
-
Missiles comme outil de dissuasion : Les attaques irakiennes ont démontré que les missiles, même peu précis, pouvaient semer la peur et perturber l’ennemi. L’Iran a intégré cette leçon dans sa doctrine, voyant les missiles comme un moyen de compenser son infériorité en forces conventionnelles (aviation, blindés) face à des adversaires mieux équipés.
-
Stratégie asymétrique : Face à la supériorité militaire irakienne, l’Iran a adopté une approche de guerre asymétrique, où les missiles jouaient un rôle central pour frapper des cibles stratégiques (infrastructures pétrolières, bases militaires) à distance. Cette stratégie a perduré, l’Iran s’appuyant aujourd’hui sur ses missiles et ses alliés régionaux (comme le Hezbollah) pour projeter sa puissance.
-
Protection et mobilité : Les bombardements irakiens ont appris à l’Iran l’importance de protéger ses actifs militaires. Le pays a investi dans des bases souterraines et des lanceurs mobiles pour réduire la vulnérabilité de ses systèmes de missiles aux frappes ennemies.
-
Impact psychologique : Les attaques de missiles ont montré leur capacité à affecter le moral des populations civiles. L’Iran a compris que les missiles pouvaient servir d’outil de pression politique, en plus de leur utilité militaire.
Une industrie balistique en pleine expansion
Après la guerre, l’Iran a intensifié ses efforts pour développer un arsenal balistique diversifié. Les leçons du conflit ont conduit à la création de missiles à courte, moyenne et longue portée, capables de frapper des cibles dans toute la région. Les ingénieurs iraniens ont amélioré la précision, la portée et la capacité de charge des missiles, tout en développant des technologies comme les ogives à fragmentation et les systèmes de guidage avancés.
L’Iran a également diversifié ses sources d’inspiration technologique, collaborant avec des pays comme la Corée du Nord et la Chine, tout en investissant massivement dans ses propres capacités de recherche et développement. Les séries de missiles Shahab, Fateh, Qiam et plus récemment Khorramshahr témoignent de cette progression, avec des portées allant de quelques centaines à plusieurs milliers de kilomètres.
Attaques récentes sur Israël (13-15 juin 2025)
Au cours des trois derniers jours, l’Iran a lancé une série d’attaques de missiles contre Israël, marquant une escalade significative dans les tensions régionales. Ces frappes font suite à des attaques israéliennes sur des sites nucléaires et militaires iraniens, notamment l’installation nucléaire de Natanz dans la province d’Ispahan. Voici un aperçu des événements récents :
-
13 juin 2025 : Des rapports indiquent que l’Iran a lancé plusieurs centaines de missiles balistiques et drones en direction d’Israël, ciblant principalement des installations militaires et gouvernementales. Ces attaques ont été décrites comme une réponse directe aux frappes israéliennes. Les systèmes de défense antiaérienne israéliens ont intercepté une partie des projectiles, mais plusieurs ont atteint leurs cibles, causant des dommages importants.
-
14 juin 2025 : Les hostilités se sont poursuivies avec des frappes iraniennes supplémentaires, impliquant environ 200 à 300 missiles balistiques, selon des estimations. Ces attaques ont visé des villes comme Tel Aviv et Rishon LeZion, où des projectiles ont causé des dégâts très importants et endommagé plusieurs infrastructures. L’Iran a justifié ces frappes comme une réponse à ce qu’il qualifie de « violation de sa souveraineté » par Israël. Les États-Unis ont soutenu Israël en fournissant une assistance à la défense aérienne, tandis que la Jordanie, contrairement à des précédents, n’aurait pas participé à l’interception des missiles.
-
15 juin 2025 : Les frappes ont démontré la capacité de l’Iran à mener des opérations à longue portée avec une coordination complexe. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, a déclaré que les frappes israéliennes initiales sur l’Iran étaient une nécessité pour contrer un programme nucléaire iranien jugé « menaçant », tandis que l’Iran a promis de nouvelles actions si les attaques israéliennes se poursuivaient.
Ces attaques récentes soulignent l’héritage direct de la guerre Iran-Irak : la capacité de l’Iran à produire et déployer des missiles balistiques en grand nombre, avec une portée et une précision très améliorées, reste un outil clé de sa stratégie de dissuasion et de représailles.
Capacités actuelles de l’Iran en matière de missiles
Aujourd’hui, l’Iran dispose de l’un des arsenaux de missiles balistiques les plus importants et diversifiés du monde. Selon des rapports récents, l’Iran possède des missiles capables d’atteindre des cibles à plus de 2 000 kilomètres, couvrant ainsi Israël, les bases américaines dans la région et une grande partie de l’Asie occidentale. Les missiles comme le Sejjil, à propergol solide, offrent une plus grande rapidité de déploiement et une meilleure résistance aux défenses antimissiles. Les missiles Fateh-110 et leurs dérivés, quant à eux, sont réputés pour leur précision, comme l’ont démontré les frappes iraniennes sur des bases américaines en Irak en 2020, en réponse à l’assassinat du général Qassem Soleimani où les frappes de ces derniers jours sur Israël.
L’Iran a également investi dans des missiles de croisière, comme le Hoveyzeh, et dans des technologies avancées, notamment des ogives manoeuvrables et des systèmes de guidage par satellite. Ces capacités, combinées à un réseau de bases souterraines et de lanceurs mobiles, rendent l’arsenal iranien difficile à neutraliser. De plus, l’Iran a partagé une partie de cette technologie avec ses alliés, comme le Hezbollah et les Houthis, renforçant son influence régionale.
En conclusion, la guerre Iran-Irak a été un catalyseur pour le développement du programme de missiles iranien, transformant un pays initialement démuni en une puissance balistique. Les leçons tirées du conflit – autonomie, dissuasion, asymétrie – continuent de guider la stratégie militaire de l’Iran. Les récentes attaques sur Israël, menées les 13, 14 et 15 juin 2025, témoignent de la maturité de ce programme, avec des missiles capables de frapper à longue distance et de défier les systèmes de défense avancés. Cet arsenal, combiné à une doctrine de guerre asymétrique, positionne l’Iran comme un acteur clé dans les dynamiques géopolitiques du Moyen-Orient.