L’histoire de la Tunisie est d’une richesse pratiquement sans équivalent sur la question de la femme.

Elyssa la fondatrice de Carthage et de la République

En 814 av. J.-C, une princesse tyrienne ( de Tyr, actuel Liban) d’une beauté et d’une intelligence légendaires débarque sur les plages du Golfe de Tunis et fonde Carthage.
Fuyant la tyrannie de son frère Pygmalion – qui l’avait écartée du pouvoir -, elle instaure, à Carthage, un système politique qui rompt avec la monarchie. Ce système collégial aboutira à la création de la première république de l’Histoire. C’est Aristote en personne qui le confirmera 5 siècles plus tard.(cliquez ici)
Pour assurer la pérennité de Carthage, qui deviendra la plus riche cité de l’Antiquité, Elyssa ira jusqu’à se sacrifier. Jusqu’à la fin de la grande Carthage, en 146 av. J.-C., sa fondatrice sera honorée.

Son histoire, si grande, si belle, sera déformée sur les ordres d’Auguste, le premier empereur de Rome qui, avant de lancer la reconstruction de Carthage, au 1er siècle av. J.C., demandera au plus grand poète de son temps, Virgile, d’écrire une autre histoire d’Elyssa pour la vider de sa substance, c’est ainsi que Virgile inventera les amours aussi fictifs qu’anachroniques de Didon et Enée. C’est cette seconde histoire qui propèrera et inspirera de nombreux artistes. L’autre histoire d’Elyssa, dont les références sont authentiques, a été rapportée par le Gallo-Romain Trogue Pompée qui composa, au 1er siècle av. J.C., son histoire du monde oriental, les Histoires philippiques (Historiæ philippicæ), en 44 livres, essentiellement à partir d’historiens grecs de l’époque hellénistique.

Baal-Tanit ou l’égalité homme femme au niveau divin

A partir du Ve siècle avant J.-C., le culte de Tanit est associé à Ba’al Hammon, le dieu principal de Carthage, ce qui signifie que même au niveau divin, c’est désormais le couple Baal-Tanit qui va dominer le panthéon punique marquant ainsi l’égalité plus que parfaite, l’égalité divine entre hommes et femmes. Effectivement, la femme était l’égale de l’homme, elle pouvait être prêtresse, femme d’affaire, femme politique.

Sophonisbe et la Femme d’Hasdrubal

Six siècles après Elyssa, une autre Carthaginoise, Sophonisbe, suivra l’exemple de la fondatrice. Sophonisbe est morte captive, elle s’est empoisonnée pour ne pas servir d’otage à Scipion l’Africain.

Moins d’un siècle plus tard, durant le siège de la cité, les Carthaginoises donnèrent leurs bijoux pour fondre des armes et leurs cheveux pour faire les cordages des catapultes et des navires.
À la prise de la ville, alors que le grand génocide avait commencé, la femme du général Hasdrubal, indignée en voyant son époux fuir le combat et aller se livrer à Scipion Emilien, se précipita dans les flammes avec ses deux enfants après avoir demandé au général romain de punir son traître d’époux.

Les premières femmes martyrs de la chrétienté sont Tunisiennes

Au début du 4e siècle après J.C., un nombre impressionnant de femmes dont Perpétue et Felicité de Tébourba et Restitude de Tiniza (Ras Jebel), sont condamnées à mort pour leur engagement religieux. Elle seront les premières martyres chrétiennes.

La Kahéna, symbole de la résistance

Trois siècles plus tard, la Kahéna, à la tête de son armée, arrête plusieurs offensives arabes, dont celle du grand Hassen Ibn Noman à la tête de 40 000 hommes.
La Kahéna sera trahie par les siens.
Contrairement à ce que tout le monde répète depuis des siècles, le combat de la Kahéna n’a jamais été religieux, mais national. Comme son prédécesseur Koceila, elle combattait la tyrannie des dirigeants arabes et non la religion musulmane qui a trouvé, très vite, un terreau favorable grâce au génie législatif des juristes tunisiens qui ont su adapter le Coran à la tradition tunisienne, comme par exemple le fameux Contrat de mariage kairouanais qui, dès le 7e siècle, éliminait la polygamie.

Lss grandes dames de Tunisie

Après la Kahéna, la Tunisie a connu, entre autres grandes dames, Fatma el Fehriya, Jazia el Hilaliya, Sayda el Manoubiya et la princesse au grand cœur, Aziza Othmana, qui était si généreuse que le jour de ses funérailles, les femmes lançaient leurs bijoux au passage de son corps.
Après Aziza Othmana, un nombre formidable de grandes dames a fait que la Tunisienne a vite acquis ses droits et s’est illustrée dans tous les domaines de la vie professionnelle et intellectuelle. On pense bien sûr à Bchira Ben Mrad, Radhia Haddad et à Tawhida Ben Cheikh qui devient en 1928 la première bachelière musulmane de Tunisie et en 1936, la première femme médecin.

Tawhida Ben Cheikh

C’est elle qui a très largement contribué à la mise en place du planning familial, grande réussite qui a permis à la Tunisie de connaître un développement non négligeable.

La Tunisienne, femme militante

Durant tout le mouvement national, durant la période révolutionnaire et après, lorsque leur droits furent remis en cause par les islamistes, les femmes tunisiennes étaient présentes au premier plan dans les manifestations, souvent plus nombreuses que les hommes.

Aujourd’hui, les Tunisiennes brillent dans tous les domaines, des sports à la recherche scientifique en passant par les arts, les finances, etc. Désormais, il y a bien plus de filles que de garçons diplômés, et lors des manifestations politiques, les femmes sont toujours plus nombreuses, plus engagées. Ce sont elles qui ont mis le holà à l’obscurantisme insidieux de la Tunisie post-révolutionnaire. Ce sont elles aussi qui ont fait basculer le vote en 2014, avant d’être déçues par la niaiserie du nouveau pouvoir.

Évoquons le geste de Khawla Rchidi, étudiante à la faculté de La Manouba qui, en 2012, voyant un salafiste grimper sur un bâtiment de l’Université pour enlever le drapeau tunisien et le remplacer par la bannière de Daesh, s’est hissée à son tour pour le forcer à remettre le drapeau national.
D’Elyssa à Lina Ben Mhenni, qui a voué sa vie à la défense de son pays, la Tunisienne s’est illustrée par 3000 ans de dignité et de courage. Chapeau bas Mesdames.

Khawla Rachdi en 2012 invective, sur le toit d’un bâtiment officiel, un salafiste qui a remplacé le drapeau national par le drapeau noir. Brutalisée, elle ne descendra qu’une fois le drapeau national remis à sa place.
Première fête de la femme le 13 août 1956
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