Les étudiants en droit des quatre coins du pays sont révoltés contre le décret n°345 relatif aux conditions d’entrée à l’Institut supérieur de la magistrature (ISM). L’État a répondu de façon très peu juridique : par la matraque.

 

Les faits

Un décret publié au JORT le 9 mars 2017, modifiant le décret 1290 du 7 juin 1999, stipule de nouvelles conditions d’accès à l’ISM, comme par exemple l’obtention d’un Master en droit.

Refusant cette condition léonine, les étudiants ont entamé une série de grèves dans leurs universités puis à la Kasbah où ils ont été tabassés par la police.

Après une vive polémique dans les médias, la présidence du gouvernement a publié un communiqué annonçant le report de sa décision : les nouvelles conditions ne concerneront que les étudiants en droit qui accèderont à l’université en 2018.

Solidaires avec leurs cadets, les protestataires ont poursuivi leur mouvement pour l’annulation des nouvelles conditions et non leur report.

 Adnane Gargouri, délégué des étudiants à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis (FSJPST) nous a déclaré que les nouvelles dispositions ne contribuent en aucun cas à réformer la magistrature mais qu’au contraire elles ne font qu’aggraver le problème :

– Si l’État exige l’obtention d’un master (Bac +5) au lieu d’une Licence (Bac + 3) c’est qu’il reconnait implicitement l’échec du système LMD et ses répercussions néfastes sur le niveau des étudiants alors qu’il l’a défendu et imposé il y a quelques années.

 – L’obtention d’un master n’est pas un critère pour évaluer le niveau de l’étudiant et ses capacités à accéder à la magistrature. Exemple, le master « droit de l’environnement » où sont enseignées des disciplines judiciaires qui n’ont rien à voir avec la magistrature. Pourtant ces étudiants seront favorisés dans l’accès à l’ISM.

– Les universités ont une capacité très limitée en master, elles priveront ainsi certains étudiants de leur droit à devenir magistrat à cause du manque de moyens de l’État.

– Les foyers universitaires ne sont disponibles que durant deux ans pour les étudiants et trois ans pour les étudiantes. Imposer le master (5 ans d’études) puis les études à l’ISM (8 ans en tout) rend la mission impossible pour certains.

 – En décrochant un master dans une université privé, certains étudiants pourront accéder à l’ISM alors que d’autres en seront privés faute d’argent.

Les réactions

Certains députés se sont déplacés dans les universités de droit pour soutenir les étudiants, d’autres ont demandé à ce que la plénière de la journée du 11 avril 2016 soit consacrée à ce problème, chose qui a été refusée par le Président du parlement.

Certains ont déposé une demande en annulation pour inconstitutionnalité en se basant sur l’article 65 de la Constitution.

Refus de soigner les étudiants tabassés

Selon les déclarations des étudiants dans les médias, l’administration de l’hôpital Charles-Nicolle aurait refusé de soigner et d’accorder un certificat médical à un étudiant tabassé pour qu’il ne porte pas plainte contre la police,

L’universitaire Slim Laghmani a considéré, pour sa part, dans un post Facebook, qu’augmenter le nombre d’années d’études ne réglait en rien le problème de la formation en droit.

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