Depuis 2012, les étudiants de médecine manifestent leur colère contre le ministère de la Santé. Aujourd’hui l’affaire monte au créneau. L’Organisation Tunisienne des Jeunes Médecins (OJTM) prévoit une marche nationale, lundi 19 février 2018. Elle commence devant la faculté de médecine et se terminera devant le ministère de la Santé.

Voici un résumé de la discorde :

6 ans, 7 ministres… les problèmes sont toujours les mêmes pour les jeunes médecins. À chaque fois qu’ils trouvent un accord avec un ministre de la Santé, vient un autre pour faire table rase et le conflit revient à la case départ.

Médecins sans statut :

Les Internes et les Résidents travaillent dans le secteur public sans aucun statut juridique, aucune couverture sociale, aucune protection juridique et surtout sans plage horaire exacte. Ils travaillent durant 48 heures et parfois 72 heures non-stop, ce qui est très dangereux pour le médecin et le patient à la fois. « Lorsque je commence mon travail, lundi à 8h je ne quitte mon poste que mardi à 16h » affirme un jeune médecin. Pour ne pas devenir une source d’erreur, les jeunes médecins revendiquent alors un « repos de sécurité ».

Docteur sans doctorat

Le nouveau régime adopté depuis 2014 a bouleversé le monde des jeunes médecins. Auparavant, le cursus était très logique. L’étudiant en médecine fait 5 cinq ans en tant qu’externe (dès l’obtention du bac), puis 2 ans en tant qu’interne dans les hôpitaux public. Après il a la possibilité de passer le concours de Résidanat pour la spécialité. Entre temps, ça veut dire après les deux ans d’Internat, il obtient le doctorat d’État en médecine qui lui permet d’exercer en tant que médecin généraliste et participer aux congrès internationaux pour apprendre les nouvelles techniques relatives à son domaine.

Aujourd’hui, le médecin n’obtient plus son doctorat d’État . Il n’aura de diplôme qu’après avoir terminé la spécialité «un diplôme hybride qui fusionne le doctorat d’État et la spécialité et qui n’a pas de valeur académique», selon les jeunes médecins.

Chaque branche finit par un diplôme, sauf la médecine

Les médecins font, désormais, seulement un an d’Internat. Résultat : la moitié de l’effectif pour le même volume de travail ou plus.
Au cours de l’année d’Internat, le médecin passe le concours de Résidanat. S’il échoue, il a deux possibilités, aussi cruelle l’une que l’autre. Soit continuer dans la spécialité « médecine de famille » sans la possibilité de choisir une autre spécialité, soit faire une année blanche pour repasser le concours de Résidanat. Entre temps, il se trouve sans aucun lien avec le secteur de la médecine. Il ne peut ni exercer, ni participer. Bref, il aura le statut du travailleur journalier.

Année civile sans critères d’exemption:

Après avoir achevé ses études, le médecin est appelé à travailler bénévolement pendant une année dans les zones internes, c’est une mesure qui remplace le service militaire pour les médecins. Or, il n’y a aucun critère d’exemption. Homme, femme, marié, célibataire, ayant des enfants, fils unique, fille unique … Tous sont égaux devant cette obligation. Les médecins nous ont raconté quelques anecdotes: pour un couple de médecin de Nabeul, avec un enfant, le mari passe son année civile au Kef, sa femme à Kasserine et le bébé, orphelin de fait, chez ses grands parents à Nabeul.

Notons que l’OJTM a donné une alternative qui a été acceptée par le ministère: le médecin travaille dans les zones internes quand il n’arrivent pas à décrocher une place dans la spécialité qu’il a choisie lors du concours de Résidanat. Il sera alors racheté, tout en s’engageant à travailler, pendant 4 ans, dans les zones internes après l’obtention de son diplôme.

Égalité des salaires entre Tunisiens et étrangers :

Le salaire d’un médecin interne tunisien est de 900 D.T environ. Le Résident obtient quant à lui entre 1000 et 1100 D.T. Les étudiants étrangers n’ont qu’un salaire de 317 D.T (même pas le SMIG) qu’ils soient Internes ou Résidents. Les jeunes médecins refusent ces procédures de deux poids deux mesures envers leurs confrères étrangers.

Le corps médical veut lutter contre ces mesures discriminatoires. Vouloir entrainer des modification à un secteur aussi vital que la Santé Publique nécessite beaucoup de réflexions et la consultation des spécialistes. Certains politiques ont voulu, semble-t-il utiliser les médecins pour gagner des voix dans les zones internes en sortant l’argument «Les médecins ont refusé notre réforme de les faire travailler dans les zone défavorisées». CQFD.

Commentaires