AGIR POLITIQUE & PRATIQUES ARTISTIQUES URBAINES

Par Jihen B.Hammed[1]

Résumé : Dix ans après la révolution tunisienne de décembre 2010, dans une tentative de pousser les limites, d’abord de soi-même et plus largement celles du connu, le propos de cet article est  d’explorer la façon dont une jeune génération tunisienne a pu traduire son mal-être à travers différents territoires et modes d’expression urbains. Il s’agira d’explorer l’expérience des croisements pluridisciplinaires dans la pratique artistique urbaine à travers l’analyse de différents mouvements urbains, graffitis, slogans, musiques, etc. dont les valeurs restent sous-estimées bien qu’elles reflètent les réalités sociales et politiques du pays, dans toutes leurs ambiguïtés. Rébellion et rejet ont donné vie à de nouveaux mouvements urbains d’une société tunisienne en mutation.

Mots clés : Art urbain, révolution tunisienne, résistance, jeune-génération, politique.

INTRODUCTION

C’est en observant les pratiques artistiques durant ces dix dernières années que nous nous attachons aujourd’hui et encore à notre choix d’appréhender les représentations artistiques tunisiennes à l’encontre du système politique postrévolutionnaire. Il est important à cet égard de préciser que nous vivons une phase de liberté d’opinion et d’expression sous toutes ses formes. Notons que l’effervescence populaire de 2010, était un réel déclic d’un nouveau champ d’expression dans l’espace urbain d’une jeune génération tunisienne qui tente de se faire entendre espérant ainsi trouver échos dans le futur. C’est également à l’aune de ces nouvelles  formes d’expression qui ont inondé l’espace public, qu’il était capital pour nous, spécialistes de l’image, d’en déterminer l’efficacité. 

Quelques jours après le dixième anniversaire de la révolution de 2010, dans un contexte d’instabilité et de dégradation sociale, un soulèvement d’une jeune génération éclate dans différentes régions et bouleverse la donne politique, sociale, culturelle et intellectuelle en Tunisie. Cet article explore l’expérience des croisements pluridisciplinaires dans cette pratique artistique urbaine. La problématique de la pratique artistique urbaine de ces jeunes tunisiens fait appel à plusieurs disciplines. Cette présente s’inscrit en effet dans un essai de conjuguer les mécanismes de fonctionnement de ces mouvements “artistiques” urbains antisystème et tentera d’étudier ce phénomène dans une interaction d’éléments psychologiques, sociologiques, culturelles,  économiques, politiques etc. 

Les pratiques des mouvements urbains de cette jeune génération tunisienne s’inspirent du réel, pour se mesurer -par sa critique politique, sociale et économique- elle se trouve d’une manière consciente -ou pas-  impliquée au service d’une pratique de changement.

Sommes-nous en train d’assister à la germination d’un « art du changement », donnant à l’art de la rue une dimension pluridisciplinaire qui fait appel à la sociologie, la psychologie et la culture de toute une génération ?

QUI EST CETTE JEUNE GÉNÉRATION QUI S’EST ÉCLATÉE DANS L’ESPACE URBAIN ?

En Tunisie, est considéré jeune, tout individu dont l’âge est entre 18 et 29 ans. La jeunesse est définie par la sociologie en tant que classe d’âge entre l’adolescence et l’âge adulte. Certaines références utilisent la terminologie « jeunes adultes » pour qualifier ce groupe de la population, d’autres les assimilent à une génération à part entière. En effet, la notion de génération est essentiellement basée sur des marqueurs générationnels et des valeurs communes à ses membres. Ces derniers perçoivent et appréhendent la vie de la même façon car ils sont nés à la même époque, ont à peu près le même âge et ont donc vécu les mêmes événements historiques et sociaux.

Au début du XXème siècle, Wilhelm Dilthey[2] (1947, p.42) définit la génération de la manière suivante :

Un cercle assez étroit d’individus qui, malgré la diversité des autres facteurs entrant en  ligne de compte, sont reliés en un tout homogène par le fait qu’ils dépendent des mêmes grands événements et changements survenus durant leur période de réceptivité.

La jeune génération tunisienne, a grandi avec la révolution et se distancie des formes classiques de participation politique. Elle se caractérise par un désenchantement occasionné par ce nouveau contexte postrévolutionnaire qui a alimenté un sentiment de résignation et de frustration au sein de la jeunesse.

La préservation de la stabilité politique du pays ne peut s’opérer qu’en tentant de comprendre les causes et les potentielles conséquences de ces frustrations, au risque de voir apparaître une polarisation politique et sociale.

Un poids démographique que cette jeune génération impose en tant qu’acteur incontournable ! Avec près de 50% de la population, la jeunesse tunisienne a un poids considérable. La Tunisie se voit dans la nécessité de composer avec sa jeunesse, un élément capital difficilement contournable dans le choix de ses orientations sociopolitiques. Longtemps déconsidérée, la jeunesse tunisienne représente aujourd’hui un enjeu pluriel de taille dans les multiples mutations auxquelles doit faire face le pays. A cette force démographique, s’ajoute une force politique, en témoigne le rôle central détenu par les jeunes dans la vague de protestations révolutionnaires de 2011. Davantage qualifiée et émancipée, la jeunesse tunisienne, colonne vertébrale des dynamiques protestataires, représente une nouvelle force vive à considérer dans la nouvelle configuration politico-institutionnelle du pays.

Cette jeunesse manifeste un sentiment de marginalisation et de frustration justifié par une exclusion, de nature politique, socio-économique et culturelle, exacerbée par les difficultés financières que connaît le pays, un chômage élevé, des inégalités sociales et économiques importantes, des disparités régionales saillantes ou des inégalités de genre encore structurelles. Il est clair que la scène politique et publique tunisienne souffre de la faible implication des jeunes voire de leur exclusion. Cette désaffectation n’est pas sans conséquence, et se traduit par un désengagement progressif de la jeunesse dans toute forme conventionnelle de la vie politique et associative.

Les signes de violence caractérisée chez cette jeune génération ne naissent pas ex nihilo. Il s’agit ici de considérer les comportements violents de ces jeunes et adolescents en ce qu’ils sont conditionnés par un environnement sociopolitique « défectueux » et « désastreux », en plus d’une certaine insécurisation, à cause de l’instabilité économique et politique.

En janvier 2021, près de 12 gouvernorats ont connu un weekend assez chaud. L’âge moyen des émeutiers étant très jeune, entre 14 et 20 ans. Néanmoins, dans cette foule de jeunes manifestants, nous voyons fleurir un champ d’activité créatrice qui s’étend sur plusieurs pratiques. Circulant entre eux, nous découvrons une nouvelle vague de productions créatives qui se nourrissent d’un amère ressentit pour tracer, schématiser, marquer et dessiner leurs refus à ce système politique. Lors des  deux marches de protestation du mardi 19 janvier et du samedi 23 janvier, les panneaux arborés par les manifestants ont été alarmants, et peut-être la plus marquante était celle sur laquelle était écrit en anglais « wrong génération », « mauvaise génération » un slogan qui exprime clairement le ressenti de cette jeune génération.

Perception, réception, présence et rôle social, tel est le souci du sociologue exposé à ce mouvement d’expressions collectives de ces jeunes, d’où, mesurer l’influence de ces productions urbaines, est, la plupart du temps, insurmontable. Dans cette mesure, nous avons beaucoup à apprendre de la sociologie. D’où notre intérêt à l’étude du comportement des jeunes en tant qu’élément influant les décisions politiques du pays. Il s’agit d’un mouvement d’une jeune génération différente, conflictuelle et surtout réaliste qui sait disséquer la réalité et la réduire en mots. Un nouveau code verbal qui s’étend sur un autre réseau de « littérature » tissée sur une toile de résistance impénétrable. Des slogans chargés de rage, de colère et de désir de tout changer. Cette nouvelle forme de rébellion dérive d’une mutation sociale des modes de productions, de réalisations et de consommations artistiques prenant plusieurs formes urbaines.

Mots et pratiques langagières évoluent.  Ainsi les codes langagiers, comme les normes sociales, sont remis en question d’où notre questionnement sur l’efficacité de ces nouveaux codes de cette nouvelle génération ?

D’après le professeur Claudine Moïse, spécialiste en Sociolinguistique critique , le code verbal de ces jeunes est construit autour d’un ressenti qui dépasse les sentiments émotionnels vers un « senti-mental ». Pour ces derniers, ce qui compte ce sont les émotions qui nourrissent leur source de créativité. « Plutôt hypersensibles, les sentiments qui les caractérisent le mieux sont paradoxalement l’euphorie et la mélancolie. Sur les réseaux sociaux comme dans la vie » (Moise, 2011, pp.29-36). Ils accordent de l’importance à faire partie d’une communauté bienveillante. Avec Instagram, Twitter, les hachtags, les néologismes, nous vivons une réelle rétraction du langage, ce qui amène à réfléchir de nouveau au terme lancé par George Orwell (1984), concernant la « novlangue » qui se base sur sa fameuse réflexion «  moins de mots, donc moins de concept, donc moins de réflexion, donc des individus plus palléaux avec un plus grand « temps de cerveau disponible ».

Les études psychologiques des comportements des jeunes ont toujours considéré la violence verbale comme « symptôme de mal-être».

Elle rend compte alors de sentiments d’injustice (vérifiables ou pas), de non-reconnaissance ou de frustration (désir inassouvi). En effet, l’irrespect serait alors une demande forte de respect, c’est-à-dire une demande de reconnaissance et de sécurisation quand l’estime de soi vacille (Moïse, 2011, pp.29-36).

Insultes, jurons et gros mots s’installent au cœur même du discours communicationnel de ces jeunes. D’après Claudine Moïse :

L’insulte est avant tout un acte de langage interlocutif et porte en elle une force émotionnelle, voire pulsionnelle qui vise l’autre dans la volonté de le rabaisser. Elle joue un rôle éminemment perlocutoire (2011, pp.29-36).

Un langage purement réactionnel, qui émane d’un mal-être qui pousse ces jeunes à sortir du schéma conventionnel de la communication  vers un nouveau sens de lecture. Cette  jeune génération tunisienne est non seulement confrontée au ressenti du rejet mais aussi à la marginalité et la non considération. Les violences manifestées pendant la période des « fêtes »  de la révolution, sont une occasion qui la pousse à s’exprimer le plus souvent à travers des comportements destructeurs et incontrôlés, physiques et verbaux mais aussi à travers des expressions artistiques dans l’espace urbain.

CRIS DE COLÈRE ENTRE LANGAGE GROSSIER ET MULTIPLICATION DES MOUVEMENTS URBAINS

L’art urbain est un mouvement artistique contemporain qui réunit un ensemble de jeunes ayant une esthétique commune. Principalement éphémère, et sous différentes formes et techniques,  cette pratique a su s’approprier l’espace public tunisien et marquer un large territoire en peu une seule nuit.

Des expressionsartistiques urbaines qui émanent d’une sphère sociale qui fournit un espace de contestation et ont sans doute uni les manifestants dans des gestes collectifs de révolte lors des émeutes de Janvier 2021. Graffitis, tags, slogans, musique, etc. nouvellement populaires, peuvent être vues comme étant des « symboles » ou des « miroirs » d’un vécu de toute une génération et mettent en lumière l’impact politique explicite de toutes ces pratiques urbaines.

Le graffiti est une pratique artistique urbaine qui représente pour ces jeunes un moyen d’expression et de communication accessible à tous. Chaque « artiste » essaie de se distinguer en se lançant dans une perspective de recherche qui mélange colère et plaisir gestuel, émotions et savoir-faire dans une combinaison de formes et de couleurs. Comme l’affirme Le Grand (2011) dans son propos « Le plaisir transgressif n’est plus dans le geste mais dans le contenu de l’image ». Indissociable de l’espace de la rue, les graffitis semblent occuper une place prépondérante dans l’expression de cette jeune génération créative. Des groupes de jeunes graffeurs s’indignent devant n’importe quel symbole de pouvoir et de système gouvernemental. Les exemples de ces mouvements de libération d’expression qui ont envahi la rue des différentes régions de la Tunisie depuis le 17 décembre 2010 sont nombreux. L’un des exemples les plus parlant est le graffiti réalisé par le groupe Zwewla, un groupe de tagueurs de Gabès qui fut «traîné» devant les tribunaux pour des expressions et des graffitis à travers lesquels ils dénoncent à leur manière l’injustice sociale, la misère et la pauvreté.

Figure 1 : Exemple de graffiti réalisé par le groupe Zwewla

Ce collectif degraffeurs qui se bat pour exprimer « la cause des oubliés de la révolution », représente le vécu menacé de ces artistes de la rue. L’initiateur du groupe Oussama Bouagila, explique dans un article pour « Slate Afrique » que derrière le graffiti, s’exprime clairement une revendication sociale. Alors, si la notion de « street » évoque immédiatement celle du « art », il est à noter que ce qui réunit ces mouvements de rébellion avec leurs multiples tendances artistiques, c’est bien la notion de : la « rue ».

Il est important à cet égard de distinguer deux pratiques urbaines de cette jeune génération réunies par la rue à savoir graffiti et tag. Le premier, tel que nous l’avions, déjà démontré est une forme d’art, tandis que le deuxième, est considéré comme la conséquence d’un acte de vandalisme. Il s’agira donc, de mettre en doute l’idée que toutes ces productions urbaines soient artistiques, sans dénier la valeur créatrice de ce mouvement. Pour ce faire, il serait opportun de conjuguer des approches qui vont d’une unité de savoir vers une pratique relationnelle entre les savoirs. Ici même, nous nous attardons sur John Cage qui confirme qu’une approche d’interdisciplinarité qui maintient une autonomie – un « rien entre » – pour favoriser un « dialogue » et une « fertilisation croisée » entre les arts. D’où, Ces représentations urbaines qui peuvent être à caractère social, politique, publicitaire ou décoratif et sont identifiées à de l’art urbain. Des jeunes tagueurs tentent de démontrer la vérité d’un mal être singulier qui réunit toute une génération. Prenant forme d’une signature personnelle, le tag identifie -son- et/ ou -ses- auteurs dans le but de délimiter un gang ou un groupe de jeunes réunis autour d’une pratique urbaine.

Les photographies des manifestations, prises sur le vif, s’avèrent un outil indispensable à cette étude. Bien qu’elles ne reflètent que la vision que désire en donner le photographe « qui peut vouloir dramatiser, magnifier, isoler certains acteurs de la manifestation » (Parinet, E. (2008), p.104).

Ci dessous, une photo prise lors des manifestations de janvier 2021, présentant des jeunes scander des slogans, clamés sur des pancartes fabriquées par des manifestants, sans leader ni parti. Soulevant deux pancartes, modestement manuscrites en feutre noir sur du carton ondulé qui portent la signature de « ACAB »[3]. La signature reprend ici un symbole mondialement connu ce qui souligne les caractères globalisé, connecté et influencé de cette jeune génération. Il s’agit bien d’un mouvement d’un groupe de jeunes réuni autour de cette haine du système et des forces de l’ordre. Ces jeunes s’autoproclament la « wrong generation » (tag à gauche), avec un message fort destiné à la classe politique, sous la forme d’un slogan « you’re fucked with the wrong generation » (tu es baisé avec la mauvaise génération).

Figure 2 : Slogans contre la police lors d’un rassemblement devant la mairie de Kairouan, 23 janvier 2021 (Olivier Piot)

Le slogan à droite « ta7t ezliz barcha takriz » (sous le carrelage, beaucoup de colère) utilise un terme grossier en dialecte tunisien pour exprimer et manifester un sentiment d’agacement, d’énervement et de colère « takriz ». A travers l’expression «ta7t ezliz» (sous le carrelage), une réelle dénotation que leur position s’exprime et tourne nettement autour de cet état de dénie ressenti par ces jeunes. D’où l’expression de cette réalité cachée par le système. Suivi du terme « grossier » « takriz ». Un terme qui est loin d’être utilisé sans réflexion. Néanmoins, l’importance particulière qu’accordent ces jeunes aux mots, fait partie de leurs pratiques sociales à quoi ils sont exposés en continue.

Ce slogan révèle une rage cachée, “enterrée” dans le fond profond des pensées de ces jeunes a été crié à haute voix dans les manifestations, écrit sur les pancartes et sur les murs de la ville.

C’est avec une haute dextérité que ces jeunes manient les différents usages pragmatiques, des nouveaux codes langagiers basés sur la grossièreté. Gros mots, insultes, jurons et gestes obscènes[4] sont au cœur de leurs expressions verbales et gestuelles. Ils en jouent, provoquent et cherchent à intimider, choquer et même duper les adultes. Dans un ressenti complexe des émotions chargées de colère, d’impuissance et de découragement.

La période post-révolutionnaire en Tunisie a vu l’installation d’une autre forme de pratique urbaine de résistance, le R.A.P., désormais massivement diffusée sur les plateformes de streaming. Le RAP, née au sein de la culture hip-hop dans les ghettos noirs de États-Unis vers la fin des années 1970. Acronyme dont le sens premier était rythme et poésie et que  plusieurs rappeurs américains ont joué avec ses initiales jusqu’à « Rage Against Police » ce qui veut dire « rage contre la police ». Produit de manière indépendante, le RAP conteste et s’indigne devant n’importe quel système gouvernemental face à toute forme d’injustice. C’est là son essence même. Malgré les essais de l’État de contrôler la parole des rappeurs, ils étaient pris dans une considération politique étrangère européenne, comme la France, l’Allemagne et les États-Unis qui voient cette discipline artistique comme un moyen, parmi d’autres, de promouvoir une transition démocratique.

Des statistiques récentes réalisées en 2017 par le sociologue Sami Zegnani[5], montrent que le RAP est écouté massivement et marque de façon frappante les jeunes générations. Presque un jeune sur deux de cette classe d’âge déclare écouter souvent du RAP. Cette musique est donc bien installée dans le paysage culturel tunisien.

L’effervescence artistique autour de ce mouvement est témoin de l’émergence de plusieurs rappeurs tunisiens comme Balti, Nordo, Klaybbj, Redstar, Traxnitro, etc. Ce dernier  avec un  sample en version ralentie répond « Tounes yatiaa aasba, qaad elMangala », que l’on pourrait traduire par (Que la Tunisie aille se faire enculer, il ne lui reste que l’Horloge)[6]. Des paroles qui n’échappent pas au langage de cette nouvelle génération présentant la révolution tel un échec et ce sur le plan social, culturel, politique, etc. Plusieurs titres vont aussi dans le sens du refus et du rejet du système politique tel «ma ihibouch al ihtiram», ou encore «wouhouch» et «chweraa tafiya». Ces productions, basées sur des expressions contestataires, tiennent compte de la relation entre le rappeur et son milieu urbain, sont considérées comme la voie de toute une génération opprimée, dont les membres partagent les mêmes problèmes tels que le chômage, la marginalité, la violence. Ici, nous pouvons revenir sur les propos d’Oliver Frey pour qui le RAP n’est pas isolé du contexte urbain (Frey, 2012, p.17).

D’après les propos de Bertaux (1996), Il s’agit :

D’éléments de compréhension du fonctionnement du monde social du RAP et de ses transformations en mettant l’accent sur la configuration des rapports sociaux, sur les mécanismes de reproduction sociale et les processus de changement social (Bertaux, 1996).

Quoi qu’il en soit, cette période a permis l’ouverture de nouveaux espaces d’expression et la constitution de plusieurs collectifs. Il s’agit aujourd’hui d’une communauté artistique resserrée fréquentant les mêmes événements et les mêmes lieux.

Peut-on pour autant considérer que les mouvements de cette jeune génération aussi variés qu’ils soient, ont favorisé l’avènement d’un espace de communication publique? Ou doit-on au contraire saisir l’essor de ces nouvelles formes d’expression urbaines et voir en elles le début de nouvelles transformations de la situation sociale et politique en Tunisie ? et ou une nouvelle forme d’art qui prend le devant de la scène publique en Tunisie en tenant compte de leur valeur créatrice?

CONCLUSION

La rue, espace ouvert et en perpétuelles mutations, semble prendre le dessus sur les espaces fermés et fréquentés par un public réduit et bien ciblé. Désormais l’art de la rue fait office d’un espace public oppositionnel aux yeux de la jeune génération d’aujourd’hui. Dans une perspective d’aller par delà des disciplines conventionnelles, le contexte interdisciplinaire se montre inévitablement constructif dans l’exploration d’un processus d’analyse des pratiques créatrices à travers multiples approches. Les murs, limites et frontières dans l’espace urbain d’une jeunesse perdue, sur lesquels ils vivent et produisent la construction des imaginaires collectifs et des identités individuelles et collectives (Gillian Rose, 2001), prennent une dimension communicationnelle. L’objectif est de pousser les limites des frontières de la discussion sur le nouveau rôle des champs d’expression de ces mouvements urbains. Dans un dialogue culturel avec d’autres disciplines créatrices, il était question de remettre en question des domaines propres à la rue et spécifiques à la pratique urbaine qui ont pu entreprendre des conquêtes interdisciplinaires pour devenir “un art du changement”. Champs d’activité créatrice et constructeur de sens, l’espace urbain joue un rôle particulier en tant qu’incubateur de créativité, en tant qu’espace d’inspiration, d’expérimentation et de productions culturelles. Serions-nous face à une nouvelle arme communicationnelle dans la bataille politique avec de nouvelles formes d’engagement ?

Références bibliographiques

Chennaoui, H. (2015, septembre). Tunisie – Zwewla, le graffiti se révolte. Slate Afrique.

http://www.slateafrique.com, consulté le 28/08/2017

Dilthey, W. (1947)  Le monde de l’esprit. T.1. Histoire des Sciences humaines.

www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1948_num_22_1_1857_t1_0193_0000_4

Frey, O. (2012). Sociologie urbaine ou sociologie de l’espace ? Le concept du milieu urbain. Sociologies Dossiers, Actualité de la sociologie urbaine dans les pays francophones et non anglophones, 17.

Hüllsoff, T. (2003). La colère est-elle mauvaise conseillère ? Cerveau & Psycho N°1 (https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/les-raisons-de-la-colere-4994.php)

Parinet E. (2008). Pour une diplomatique de l’image, in DELPORTE C., GERVEREAU L., Marechal D. (dir.), Quelle est la place des images en Histoire ? CHCSC, Université de Versailles-Saint Quentin-en-Yvelines, Nouveau-monde éditions, 104.

Legrand, D. (2011, juin). Total respect pour le graffiti. Le Soir, La culture.

Moïse, C. Gros mots et insultes des adolescents, dans la lettre de l’enfance et de l’adolescence 2011/1 (n° 83-84), 29-36.

Arendt, H. (2014). Du mensonge à la violence, Essais de politique contemporaine. (éd.). Calmann-Levy.

Bertraux, D. (1996). Le récit de vie. (éd.). Armand Colin.

Rose, G. (2001). Visual Methodologies : An Introduction to the Interpretation of Visual Materials. (éd.). Sage Publications.

(https://manifesto-21.com/drop-the-mic-arts-urbains-et-feminisme-dans-la-tunisie-post revolutionnaire/)

(https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2011-1-page-29.htm)


[1] Docteure en sciences et technologie des arts, conseillère de formation-Expert en ingénierie de la Formation continu, Enseignante  chercheure à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul, jihenebenhammed2016@gmail.com

[2] Wilhelm Dilthey est un historien, psychologue, sociologue et philosophe allemand, qui s’est beaucoup intéressé à la sociologie de l’esprit.

[3] Acronyme de l’anglais « All cops are bastards » (« Tous les flics sont des salauds »), est un slogan anti-police popularisé durant la grève des mineurs britanniques de 1984-1985.

[4] Le groupe de musique znouss qui a pris comme logo un doigt d’honneur, les T-shirts et suits en vogues qui sont présentés avec des graphismes présentant le doigt d’honneur.

[5] Maître de Conférences en sociologie à l’Université de Rennes, Il travaille  sur les jeunes des quartiers populaires et leurs formes d’engagement dans l’espace public en utilisant la méthode ethnographique.

[6] L’horloge de l’avenue Habib Bourguiba, symbole de la révolution.

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