Depuis la Révolution, les forces de l’ordre, armée comprise, ont connu une période particulièrement trouble où elles ont été confrontées à des menaces nouvelles ou sérieusement augmentées et à l’extension de leur périmètre d’action qui ont entraîné une augmentation des effectifs.

Dès décembre 2010, de nouveaux champs de surveillance ont été déterminés, comme les réseaux sociaux. Le fameux Ammar dont le rôle se limitait à la fermeture des URL des sites qui dénonçaient les actions de Ben Ali et de ses proches, a été complètement dépassé par le succès des réseaux sociaux et leur formidable propension à offrir des plateformes de discussions privées à des groupes plus ou moins restreints. D’autre part, certaines brigades, chargées d’une menace donnée, se sont retrouvées complètement dépassées par l’utilisation des réseaux sociaux. Il est apparu, par exemple, que les groupes de supporters s’organisaient sur les réseaux sociaux et agissaient dans les stades et leurs environs, ce qui a complètement perturbé les brigades chargées de la surveillance de ces groupes. Une coordination avec les services spécialisés aurait été nécessaire, nonobstant le fait que ces services eux-même ne disposaient pas des effectifs adéquats.

Les nouvelles plateformes de communication

Les services d’écoute eux-mêmes ont vu leur capacité d’écoute mise à mal par les nouvelles plateformes de communication comme WhatsApp, Viber, Messenger, etc… d’autre part, certains terroristes utilisent carrément des sites comme VKontakte, le premier réseau social russe, pour préparer leurs opérations. Certains utiliseraient même les boites de dialogues présentes dans des jeux en ligne ! En clair, sans de nouveaux moyens logiciels et une grande capacité intellectuelle et opérationnelle, les terroristes trouveront toujours 1000 moyens de communiquer entre eux pour préparer des opérations.

La volonté de l’État en question devant la menace terroriste

L’affaire des Monts Chaambi et Samama a prouvé l’inefficacité des forces de l’ordre à contrôler des zones parfaitement délimitées. En 2013, après avoir longuement tergiversé, le gouvernement de la Troïka a fini par lancer des opérations de ratissage sur ces zones, mais avec des ambiguïtés opérationnelles qui ont fait des dizaines de victimes parmi les forces de l’ordre.
La première ambiguïté a été celle de la nature des forces à opposer aux terroristes. Durant des années et aujourd’hui encore, l’État n’a opposé aux terroristes de ces montagnes que de simples soldats mal entrainés, mal équipés, mal défendus. Lorsque des voix ont commencé à se faire entendre sur cette tactique pour le moins discutable, l’État a eu recours aux Forces spéciales, mais d’une manière inhabituelle. Transportant ces Forces spéciales sur le terrain d’opération, les officiels leurs ordonnaient de se confronter directement à la menace, alors que les dispositifs d’intervention des Forces spéciales demandent, en amont, un grand travail de renseignement et de préparation. Le résultat ne s’est pas fait attendre puisque des agents spéciaux, qui ont demandé à l’État de longues années de formation et de gros investissements, ont été mis hors service par des explosions de mines.
Concernant, justement, le travail préalable de renseignement, l’État s’est « tiré une balle dans le pied » en 2011 par la dissolution de ses deux principales organisations anti terroristes : la Sûreté de l’État et la Direction antiterroriste. Résultat, quand la menace s’est avérée très sérieuse, même pour les islamistes, l’État a été obligé de se rabattre sur une Direction antiterroriste annexe, celle de la Garde Nationale, bien moins outillée que celle, défunte de la Police.
Avec l’amplification de la menace terroriste, l’État a eu recours au renfort humain et matériel. C’est ainsi que de nouveaux véhicules et de nouvelles armes ont été remises aux forces de l’ordre, et ce, dans une désordre inimaginable où commissions, erreurs de wish list et influence ont fait des ravages dignes des pires républiques bananières de la planète. La dernière affaire en date étant celle des fusils caducs faisant l’objet d’une offre de proches du Palais. Avant cette affaire, celle des hélicoptères commandés en 2014, en pleine guerre contre le terrorisme, mais toujours absents deux ans après.

La question libyenne

Outre les menaces terroristes des montagnes, l’État a du subir la terrible menace issue du conflit libyen. Des milliers d’armes et de munitions tirées des gigantesques arsenaux de Mouammar Khadafi ont été transportées en Tunisie et dissimulées dans des caches. Déjà, depuis fin 2011, des califats commençaient à fleurir au nord ouest et au sud du pays, mais la grande menace est arrivée avec la proclamation, en juin 2014 de l’État Islamique en Irak, proclamation qui a fait des émules en Tunisie. C’est ainsi que des jihadistes se sont organisés pour lancer des attaques d’envergure. Le 19 février 2016, les États-Unis ont mené un raid aérien sur un camp de l’organisation État islamique, près de la ville de Sabratha en Libye et éliminé ainsi une majorité de jihadistes tunisiens. Selon Washington, ce camp abritait notamment le cerveau des attentats du Bardo et de Sousse. Quelques jours plus tard, une attaque jihadiste d’envergure était opérée sur les forces de l’ordre à Ben Guerdane. Le triomphalisme des autorités et l’enthousiasme des habitants de la ville dans leur lutte contre les terroristes ne nous empêchent pas de nous poser plusieurs questions. Trois cibles étaient visées, une base de la Garde Nationale, une de la Police et une caserne de l’armée. Au moins l’une des trois, pour ne pas dire deux, ont échappé aux attaque par miracle grâce à un agent qui avait entendu les appels au jihad lancés par la mosquée et qui s’était rué avec son arme pour se retrouver face à Manitas, un chef jihadiste qui a cru voir venir un partisan. Le garde national a profité d’un moment d’inattention du chef jihadiste pour l’éliminer, lui prendre son fusil mitrailleur et aller éliminer ses huit complices qui se positionnaient devant la base de la Police pour l’attaquer.

L’une des premières grandes questions qui se posent est celle de l’échec total des Renseignements. Comment des dizaines de jihadistes armés auraient-ils pu lancer une telle attaque sans des complicités haut placées. La deuxième grande question est celle de savoir si les trois attaques avaient réussi, quelles auraient été les conséquences, et enfin, troisième grande question, si les USA n’avaient pas éliminé l’essentiel des chefs terroristes lors du raid de Sabratha, quelle aurait été la teneur de l’attaque ?

La superstructure absente

Réunions du Conseil de sécurité nationale médiatisées en grande pompe, création d’une flopée d’organisations policières antiterroristes, déclarations inutiles de la détermination « antiterroriste » de l’État et de la population, alors qu’au fond, la réponse à la menace terroriste est hasardeuse et inefficace. Aucune action culturelle, très peu d’actions sur le terrain, réalisées par de courageuses associations souvent sans moyens alors que les associations à caractère jihadiste pullulent et qu’elles disposent d’immenses moyens.
D’un autre côté, une magistrature sélectionnée par les islamistes a été rendue « indépendante » par la Constitution de 2014, rendant ainsi l’État incapable de mener à bien sa mission antiterroriste. Pire encore, les juges accusés de sympathie terroriste passent les mailles du filet policier. encore plus grave, le Procureur de la République a été élu alors qu’il est accusé de sympathie avec les terroristes !

 

 

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