Le limogeage du ministre de l’Énergie et des Mines, M.Khaled Kaddour, n’est que le dernier d’une série de « renvois » injustifiés. Retour sur les turbulences d’une primature mal assise.

Après son limogeage par le chef du gouvernement pour soupçon de corruption, le ministre de l’Énergie, invité du plateau de Nessma TV, a positivement impressionné les Tunisiens.

Ils ont été surpris par les preuves présentées par M. Kaddour à propos de l’affaire su du champ pétrolier « Halk el Menzel », cause du limogeage et sujet d’une grosse polémique complètement inutile puisque le Département de l’Énergie a maintes fois confirmé au propriétaire du champ que sa concession durait jusqu’en 2029.

Par ailleurs, Halk el Menzel figure dans le plan d’action du gouvernement pour le forum d’investissement «Tunisia 2020» et, cerise sur le gâteau, le champ n’a encore produit aucun baril de pétrole alors que des investissements y sont opérés depuis des années.

Dans ces circonstances, on ne voit pas où se situe la corruption ou encore la négligence du département de l’Énergie. D’ailleurs, pour mesurer l’étendue de l’inconséquence de la décision du Chef du Gouvernement, M. Khaled Kaddour a affirmé qu’un directeur général qui n’existe pas (Affaires juridiques), a été limogé en même temps que lui.

Suite à ces déclarations argumentées et présentées avec toutes les preuves nécessaires, le porte-parole du gouvernement Iyed Dahmani, dont la déclaration initiale était pleine de contre-vérités et de fanfaronnades, a rectifié le tir en annonçant que « Khaled Kaddour est un homme compétent et honnête ». Mais le mal était fait, non seulement par lui, mais également par Youssef Chahed qui avait déclaré avec vanité devant les médias « Je n’ai peur que de Dieu », comme s’il avait découvert un grand scandale de corruption et qu’en le dévoilant, il avait fait preuve d’un grand courage. Bref, un coup d’épée dans l’eau, et c’est loin d’être le premier…

Novembre 2016, Abdeljalil Ben Salem est limogé pour avoir critiqué les Wahhabites

Le ministre des Affaires religieuses, Abdeljelil Ben Salem a été limogé le 04 novembre 2016, pour « non-respect des impératifs du travail gouvernemental », alors qu’il avait simplement évoqué l’origine historique du terrorisme en pointant du doigt le Wahhabisme. Il suffit pourtant de cliquer sur Wikipédia pour s’assurer de la véracité de sa déclaration. Pour une fois qu’un dirigeant tunisien disait la vérité sur l’islamisme radical, il s’est vu éjecté du gouvernement.

Avril 2017, Neji Jaloul est limogé pour rien

En avril 2017, c’est Néji Jaloul, le ministre de l’Éducation, qui est limogé. Le but était d’apaiser la tension avec l’UGTT et particulièrement avec les syndicats de l’enseignement primaire et secondaire. Mais les grèves se sont poursuivies et, pire encore, les enseignants ont accéléré le rythme de la contestation. Pourtant, Néji Jaloul avait pointé du doigt les véritables problèmes sans lesquels aucune évolution de l’Enseignement n’est possible.

Lamia Zribi, ministre des Finance a eu le tort d’avoir raison

En même temps que Néji Jalloul, Youssef Chahed a limogé Lamia Zribi, ministre des Finances à cause d’une déclaration concernant la dépréciation du dinar. Les chiffres nous prouvent aujourd’hui que les prévision de Mme Zribi étaient justes, mais Youssef Chahed préférait l’illusion de la réussite.

Fadhel Abdelkefi, un rival à éliminer

Lamia Zribi a été remplacée par le ministre du Développement et de la Coopération Internationale, Fadhel Abdelkefi ( par intérim). Celui-ci a connu le même sort mais de manière bien plus pernicieuse. Son dernier discours devant l’ARP, très énergique,  lui a fait gagner beaucoup de popularité et son nom a commencé à circuler pour remplacer Youssef Chahed dont l’échec était manifeste. Dans les jours qui suivent, Fadhel Abdelkefi s’est soudain retrouvé empêtré dans une affaire de justice montée de toute pièce pour l’exclure de la vie politique. Il a alors démissionné de son poste pour se présenter devant la justice comme un citoyen ordinaire.

L’affaire Lotfi Brahem

Après Abdelkefi, c’est Lotfi Brahem, ministre de l’Intérieur, l’homme fort de la Garde Nationale, qui est mis sur la sellette. A cause d’une rencontre avec le prince héritier saoudien, il a carrément été accusé de préparer un coup d’État. La presse étrangère elle même fut manipulée en ce sens. Youssef Chahed attendait un prétexte pour le limoger, il a profité d’un fait divers, celui du naufrage d’un bateau de migrants, pour en finir avec celui qu’il considérait, à tort, comme un rival. Pourtant, le problème sécuritaire dans l’île de Kerkennah, d’où est parti le navire, est ancien et le problème de l’immigration clandestine est mondial. Lotfi Brahem fut limogé dans une période où la sureté nationale était arrivée à des résultats probants. Quelques jours après son limogeage, le terrorisme a repris et plusieurs soldats sont morts, le 8 juillet, dans le nord ouest du pays.

Notons que Youssef Chahed a décidé, désormais, d’éliminer, avec les ministres limogés, leurs départements ministériels. Ainsi, il pense éviter de demander la confiance à l’Assemblée à l’occasion de la nomination d’un ministre remplaçant et de permettre ainsi aux députés de lui refuser leurs votes…

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