Par Thouraya Abdelwahed

Parmi les scènes eschatologiques de la révolution de 2011 qui me taraudent encore aujourd’hui l’esprit, deux restent inébranlables.

La première sont les cortèges funèbres des jeunes descendus par des fantômes sur les toits de nos maisons à Kasserine. Ces files sans fins rejointes par d’autres files qui passent sous les youyous des femmes et les balles qui s’obstinaient à tuer des martyrs déjà éteints.

L’autre vision apocalyptique de cette ère incertaine sont ces hordes de mutants débarqués de nulle part, barres et bâtons à la main et qui attaquent une battisse qui, érigée en plein centre de Tunis, n ‘a rien de menaçant sous ce drapeau bicolore.

La battisse, lucide et aguerrie, comme tous les forts de l’antiquité, a sorti ses soldats. Si j’ai assimilé tout de suite la première vision, j’ai mis plus de temps à décoder la seconde. J’ai du remonter dans l’histoire de la maison. J’ai du piocher dans l’histoire de la lutte nationale et déterrer le rôle cardinal qu’a joué cette bâtisse dans la lutte pour l’indépendance.

Le beau visage de Farhat Hached a émergé, me rappelant que le rôle essentiel de la maison était et sera toujours de défendre le pays et non seulement les travailleurs et les prolétaires .

Naquit alors l’exception tunisienne réelle à mon sens, qui n a rien à avoir avec un pseudo miracle économique du temps de l ‘ancien président ou de la volonté incassable de ses femmes, qui, non négligeable, reste limitée comparée à la charge de la plus ancienne et la principale centrale syndicale du pays.

Je comprends un peu mieux les raisons de la guerre, des calomnies, des diatribes systématiques menées contre le dernier bastion de la Tunisie. Je comprends encore mieux quand je regarde le background des agresseurs. Et je comprends tout quand je vois la machine s’impliquer dans la chose politique pour recadrer, rappeler à l’ordre, signifier que les ventes aux enchères ne sont pas pour demain. Pour scander haut et fort que L’UGTT est omniprésente contre l’avidité aveugle des uns, la sauvagerie du Léviathan libéral ou les machinations et conspirations des politicards. Elle est le vrai contrepoids de ce pays. C’est le premier pouvoir qui a un droit de regard sur les autres pouvoirs. C’est le réel garant de la démocratie et de la continuité du pays.

Quand les médias retombent dans l’absurde, quand les parlementaires se livrent au jeu du poker politique, la machine est là, silencieuse et rassurante, comme un vieux chef de famille.

Nous autres Tunisiens éreintés par la vie et lâchés par nos gouvernants auront toujours une forteresse pour nous retrancher. L’UGTT peut se tromper de moment, mais jamais de cible. Elle peut se tromper de moyens mais jamais de buts. Le syndicalisme à la Tunisienne est avant tout une histoire de passion , passionnée et passionnante . C’est l’histoire du dernier bouclier …

Thouraya Abdelwahed, enseignante.

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