Au volant de sa superbe 404 bâchée, Bilel Aloui fait la tournée des hameaux dans les zones frontalières de la Tunisie. Son but est de briser l’isolement culturel des élèves de ces régions. Spectacles, rires, mais aussi pincements au cœur : en offrant du chocolat aux enfants de ces zones déshéritées, Bilal a réalisé qu’ils ne savaient pas ce que c’était.

Depuis quelques semaines, Bilel Aloui, chef de file du projet, accompagné par 8 amis, fait des déplacements avec sa vieille camionnette pour offrir aux enfants de ces zones des cadeaux et des spectacles : théâtre de marionnettes, clowns.

Joint aujourd’hui, Bilel nous apprend qu’il est sur la route de Mghilla, le village ou ont été assassinés par des terroristes, le berger Mabrouk Soltani et le soldat Saïd Ghozlani. « C’est de notre responsabilité de changer les couleurs du sang et de la tristesse de leurs proches par les couleurs vives des spectacles et des jeux » affirme-t-il.

Pourquoi la 404 bâchée ?

« Il s’agit d’un rêve », répond Bilel. « J’ai rêvé d’un grand camion avec beaucoup de moyens pour aller au fin fond de la Tunisie et assurer des spectacles pour les enfants qui en sont privés. Le ministère de la Culture a accepté ma demande de financement, mais la somme obtenue était bien en-deçà de ce que je voulais, mais comme je ne voulais pas tuer ce rêve, alors j’ai acheté une vieille 404 bâchée, je l’ai décorée et j’ai commencé mon périple ».
Puis il ajoute : « au delà des raisons matérielles, il y a une autre signification pour le choix de la 404 […] au temps de la dictature, on avait souffert du fameux « 404 Not found ». Aujourd’hui, c’est à nous, les jeunes, de donner une autre signification au 404 : Here with 404 we find culture », explique-t-il.

Qu’a-t-il découvert pendant ses tournées ?

Bilel a parlé d’un sentiment doux-amer qu’il ressent à chaque fois. « Les enfants sont très contents d’assister aux spectacles […] mais derrière leurs sourires, leurs yeux qui brillent de joie et leurs applaudissements, se cache une souffrance. La souffrance d’être marginalisés, oubliés ».

Pour argumenter, Bilel nous raconte quelques anecdotes. « À la fin d’un spectacle, j’ai donné du chocolat aux écoliers. À ma grande surprise, il ne savaient pas ce que c’était. […] Dans une autre région, il y a des enfants qui n’avaient jamais vu une route goudronnée. Je les ai emmenés dans la 404 pour leur en montrer une. À mon grand étonnement, ils ont trouvé cela merveilleux », raconte-t-il.

Comment fait-il pour couvrir les charges?

À cette question, Bilel répond. « Voici les chiffres : le ministère de la Culture nous a donné 15 000 D.T, nous avons acheté le camion a 7 600 D.T. Avec le reste,nous avons décoré le camion et acheté des costumes pour les spectacles.
Pour chaque tournée, nous achetons des cadeaux pour les enfants. Parfois, quand nous avons un problème technique ou que l’école et très loin de la ville, nous sommes obligés de louer du matériel supplémentaire. et n’oubliez pas le carburant. Bref, au bout de la 8e tournée, nous avons commencé à couvrir les frais de nos propres poches ».

Pourquoi cet engagement ?

Avec une voix qui est souvent coupée à cause du mauvais réseau de la région où il se trouve, Bilel nous fait savoir qu’à chaque tournée, il ressent la responsabilité de poursuivre sa mission et de casser l’isolement des enfants. « Imaginez, quand mes amis ont endossé des masques de clowns, les écoliers étaient à la fois contents et effrayés. Ils n’avaient jamais vu de masque! Pour eux, les clowns sont des créatures qui existent comme telles! Comment voulez-vous que je les lâche ? Excusez-moi d’être un peu bavard mais il faut que je parle. Hier j’étais chez le mécanicien jusqu’à 2h du matin pour réparer le disque d’embrayage de la camionnette. Juste avant, j’étais à l’hôpital pour une déchirure au niveau de l’épaule. Tout cela pour ne pas manquer le spectacle d’aujourd’hui. Vous savez pourquoi ? Parce qu’un enseignant m’a appelé au téléphone et m’a raconté cette anecdote : en plein cours de mathématiques, alors qu’il avait demandé sil y avait des questions, un enfant a levé le doigt et a demandé : « Pourquoi dans notre école il n’ y a pas le magicien qui fait des shows pour les enfants ». Comment peut-on ignorer ces enfants ? » lance-t-il.

Grâce à une communication vidéo, nous avons pu, en plus de l’entendre, voir Bilel dans une école. Son visage exprimait le bonheur, il a un sourire radieux et les enfants, derrière lui, sont aux anges. Il nous montre Jebel Mghila, derrière le village.
En fin de compte, c’est peut-être de Bilel que dépend le destin de ces enfants qui habitent si près du maquis.
Grâce à la 404 bâchée, ils ont découvert le théâtre, de nouvelles émotions, le rire et même le chocolat et les routes asphaltées.
Désormais ils ont une autre idée de la vie.

جبل المغيلة…مدرسة الحسناوي

Publicado por Bilel Aloui em Sexta, 10 de março de 2017

 

 

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