Après le limogeage de Abid Briki, ministre proche de l’UGTT au GUN (Gouvernement d’union nationale), tout le monde s’attendait à une crise entre le pouvoir exécutif et la centrale syndicale, surtout après le communiqué de cette dernière considérant que le remaniement ministériel constituait une provocation.

Or, Une réunion qui s’est tenue entre le chef du gouvernement M. Youssef Chahed et le secrétaire général de l’UGTT, M. Noureddine Taboubi, a démenti tous les pronostics. Ce dernier a déclaré aux média que la raison et la sagesse doivent primer et que la Tunisie ne supporterait plus de perturbation.

Le calme avant la tempête

Mais le cessez-le-feu entre le GUN et l’UGTT n’a pas duré longtemps. Relevant de cette dernière, les syndicats de l’Éducation sont de nouveau sur la place de la Kasbah pour exiger le limogeage de Néji Jalloul, ministre de l’Éducation nationale. Ce mouvement a été critiqué et jugé comme très hostile par certains observateurs qui considèrent que ni l’UGTT, ni aucune autre organisation n’a le droit d’imposer ses choix au chef du gouvernement. Cependant, les syndicats des enseignants tiennent bon. Ils menacent même de suspendre les cours pour un délai indéterminé. Or la négociation s’avère impossible car il n’y a aucune exigence technique ou sociale. L’unique revendication est le limogeage de Néji Jalloul!

Ingérence de l’UGTT dans le pouvoir exécutif

Entre temps, les leaders de la centrale syndicale ont entamé une série de pourparlers avec les composantes de la scène politique tunisienne sur divers sujets d’actualité. Pour sa part, Le secrétaire général adjoint de l’UGTT, M. Hfaiedh Hfaiedh a déclaré, dans une interview accordée au journal Al-Maghreb que si son organisation respecte les prérogatives constitutionnelles du chef du gouvernement, le document de Carthage reste la référence majeure, il veut dire par là que cet accord donne à lUGTT pouvoir à agir politiquement. Le syndicaliste a appuyé ses arguments en rappelant que le « processus politique » dans lequel s’est engagé le pays s’est avéré non valable, c’est à dire que l’UGTT est là, comme lors du Dialogue National de 2013, pour compenser les faiblesses du « processus politique ». Mais cette « compensation » ne se transforme-t-elle pas en pouvoir exécutif quand, en parlant de M. Khalil Ghariani (avant que ce dernier ne décline le poste de ministre à la place de Abid Briki), M. Hfaiedh a déclaré que l’UGGT refuse qu’un homme d’affaire soit à la tête du ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance?

Le non-dit de Youssef Chahed

Lors de son interview sur la chaîne El Hiwar Ettounssi, Youssef Chahed avait fait allusion à ce même problème du « processus politique ». Pour répondre à la question de Hamza Balloumi : « Qui gouverne réellement ? », M. Chahed avait dit qu’il exerçait ses fonctions dans le cadre constitutionnel adopté par le pays. « Si ce régime est le plus adéquat ou pas, c’est un autre sujet », avait-il signalé. Le chef du gouvernement se trouve politiquement dans une position délicate devant plusieurs acteurs politiques qui, se basent sur le document de Carthage pour se déclarer partie prenante de la décision politique. L’UGTT par exemple, signataire dudit document, bien qu’elle ne soit pas un parti politique, se permet de s’immiscer dans toutes les décisions du gouvernement.

La pression de l’UGTT porte ses « fruits »

Khalil Ghariani a déclaré qu’il refusait son nouveau poste de ministre. Son argument est qu’il refuse d’être au centre des conflits et des pressions politiques. L’UGTT, quelque peut désarçonnée par le limogeage de son ministre Abid Briki, semble avoir obtenu sa revanche. Elle poursuit par ailleurs la bataille du ministère de l’Éducation qui est montée d’un cran.

Marzouki au parfum

L’ex-président provisoire de la République et leader du parti Harak Tounes El Irada, Mohamed Moncef Marzouki a téléphoné au secrétaire général de l’UGTT, M. Noureddine Taboubi, et lui a exprimé son soutien tout en appelant à un dialogue national pour faire sortir le pays de la crise. Fidèle a ses habitudes, M. Marzouki ne laisse passer aucune occasion pour appeler à un changement politique et prendre une position radicale contre le gouvernement. Il semble être impatient pour les élections de 2019, tout comme d’autres acteurs de la scène politique qui cherchent à se positionner médiatiquement par des déclarations tonitruantes destinées à embraser la situation politique sans pour autant présenter la moindre solution aux nombreuses crises que traverse le pays.
Le régime politique, déjà affaibli par la Constitution de 2014, est-il devenu parfaitement stérile à cause de l’imbroglio juridico-politique issu du document de Carthage?

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